Bernard Borgeaud, Arnaud Claass et Emmanuel Saulnier
2 December 2006 - 3 March 2007

(Français)

Cette exposition tripartite s’est construite autour d’une réflexion menée à partir d’un extrait d’un texte du philosophe Jean-Marie Pontévia (La peinture, masque et miroir, 1984) : […] “dans le scintillement l’objet disparaît, masqué par son propre éclat.
Cette scission, à bien y regarder, a quelque chose de prodigieux : non pas que la lumière y soit infidèle à sa fonction, qui est de montrer, mais bien plutôt parce qu’elle y montre ce qu’en général elle ne montre pas, à savoir que la chose est seulement montrée.
Cette suspension de la visibilité que provoque l’éclat de la lumière pure (séparée) et son éblouissement révèle soudainement que tout ce qui peut être montré peut aussi être retiré. C’est en cela que tout scintillement préfigure la mort.”
Les trois artistes se sont rencontrés à plusieurs reprises, depuis un an, pour concevoir ce projet.
Si Bernard Borgeaud a pratiqué pendant longtemps la photographie, son travail est désormais résolument d’ordre pictural : “J’élabore des actes que j’injecte dans l’espace de la durée ; ils forment un réseau qui se déploie, mettant ainsi en relation des zones, par delà la logique univoque de l’espace temps mesuré, par delà la logique causale du discours.
Ma surface de travail se tend entre le proche et le lointain ; je tente d’y faire advenir des éclats du passé visés depuis le présent, amalgamés dans le flux transparent de la matière. Ce flux, qui tend à établir de la présence, procède d’un nœud spatial dénué d’origine qui, dans un même mouvement, se contracte vers l’intérieur du corps et s’expanse au-delà des limites visibles.”
Il présente, à l’occasion de cette exposition, quelques-unes de ses œuvres sur toile les plus récentes.
Arnaud Claass a retenu les photographies de la série Nuit optimale (2004-2005) qui enregistrent des sources de lumière urbaines, faisant osciller la mise au point entre un écho lointain de réalisme descriptif et un jeu d’indices colorés : “Que se passe-t-il lorsque les sources lumineuses, au lieu d’éclairer les objets qui se donnent ainsi aux yeux, deviennent elles-mêmes les objets d’un désir de la vue ?
Précisément : que se passe-t-il lorsque le photographe et sa machine deviennent eux-mêmes les sujets de la lumière-objet ?
Plus précisément : que se passe-t-il lorsque le photographe fait osciller la mise au point et précise l’imprécision, faisant de l’image l’arrière-plan flou d’un avant-plan net mais disparu ?
Et plus précisément encore : que se passe-t-il lorsque les images ne retiennent plus en elles qu’un lointain écho de description factuelle et commencent à trembler au seuil d’une abstraction tout aussi lointaine ?”
Enfin, Emmanuel Saulnier prend part à ce projet avec Vers, deux nouvelles sculptures en verre au caractère exceptionnel, produites pour le lieu : “Voici quatre lignes transparentes ou translucides. Elles sont soit tenues, pour l’image, soit suspendues dans les lieux d’exposition. Ces lignes de vue se croisent et croisent les directions qu’elles pointent. Ainsi proposent-elles fluidement un espace tout en le traversant.
Da façon virtuelle, leur image fait l’objet d’un montage où interviennent la main et une aiguille de verre. De façon réelle, elles se composent de quatre lances de verre effilé.
Longues environ de quatre mètres chacune, elles ont été soufflées et creusées sur tout leur parcours. Deux d’entre elles ont été encrées intérieurement.
En suspens, la position de leurs verticales et de leurs horizontales dessinent finement quatre lignes, directionnelles et lumineuses, qui croisent dans l’espace.”
Un journal, dont le design graphique est dû à Sébastien Gschwind, accompagne l’exposition et la galerie propose également une œuvre photographique d’Emmanuel Saulnier, Vers, éditée à seulement 7 exemplaires.