La galerie Hervé Bize s’attache de nouveau cet automne à la présentation conjointe de deux artistes, Jacques Charlier (*1939) et Alain Jacquet (1939-2008), sous la forme d’une « conversation ».
Ce projet s’inscrit dans le fil d’autres qui se sont précédemment tenus à la galerie ou hors les murs. En effet, la galerie représente Jacques Charlier depuis 2009, date à laquelle nous avions organisé une étonnante exposition intitulée Libérer Lamartine qui fut ensuite intégralement acquise par le Frac Poitou-Charentes.
En 2013, à l’occasion de notre seconde participation à The Armory Show à New York, avec la collaboration de Sophie Matisse et du Comité Alain Jacquet, nous avions présenté un remarquable solo show d’Alain Jacquet.
Témoins du Nouveau Réalisme et du Pop Art, exacts contemporains, Jacques Charlier et Alain Jacquet s’en distinguent pourtant. Si Jacquet a manifesté une prédilection pour une imagerie véhiculée par les médias américains, il a eu recours à des montages plus complexes et fait de la trame (dots) un langage actif, créant des propositions ambigües et polysémiques.
De son côté, Charlier a adopté avec humour une approche visant à révéler les liens de l’art à l’art et non plus de l’art à la vie. Voyant dans l’art un sujet à la fois d’observation et de conversation, il a engagé notamment une réflexion sur les vertus d’un pastiche inspiré visant à mettre en cause le fétichisme et le vedettariat de l’art moderne et contemporain.
Dans le même esprit, Jacquet s’est illustré par la citation de l’Histoire de l’Art avec ses Camouflages ou son Déjeuner sur l’herbe de 1964, première œuvre, selon le critique Pierre Restany, du « Mec Art » (contraction de « mechanical art »), dans lequel il convoque le répertoire de Giorgione ou Manet dans une peinture vivante. Jacquet en réalisa aussi plusieurs fragments (trois sont exposés) en modifiant l’échelle, preuve de son absolue indifférence à l’égard de l’image-objet.
Ouvrant une réflexion sur les étapes intermédiaires utilisées par l’outil mécanique et plus tard le numérique dans la création de l’image, il superposa et conjugua le « grand art » et la culture de masse, jusqu’à dissoudre la figuration dans une quasi abstraction.
Charlier, en remplaçant la beauté par le rire, s’attache à affirmer l’improbable, à mettre en jeu l’esthétique du kitsch ; c’est aussi une thématique que développera Jacquet dans ses passages du sublime au trivial. Dès le début des années 1970, Jacquet utilise les premières images de la Terre provenant de la NASA, s’interrogeant sur les changements de nature dans le passage de l’infiniment petit à l’infiniment grand. Dans Chile con carne de 1985 (œuvre présente dans l’exposition), il crée une image subjective à partir des motifs qu’ébauchent les éléments de la photographie spatiale de la Terre : dans une sorte de phénomène d’anamorphose un clown se dessine au large du Chili.
Plus proche de nous (2007) et avec la série, Art in another world, Charlier met en place une réflexion concernant l’imagerie des années 1940 à 1960 aux États-Unis caractérisant une sorte d’esthétique internationale. Il met le doigt sur un monde paradoxal dont la forme extérieure se serait arrêtée définitivement sur l’image d’un moment de son histoire.
L’exposition présentée par la galerie rassemble des œuvres des années 1960 aux années 2000 ; elle témoigne pour les deux artistes de leur constante soif d’expérimentation et de recherche, que l’on retrouve dans leur propension à avoir utilisé, de façon pionnière, de nouveaux supports ainsi que des médiums très différents. Leurs démarches respectives démontrent une grande cohérence, aussi bien en termes d’inventivité plastique que d’attention au langage.
Alain Jacquet est né en 1939 à Neuilly-sur-Seine. Il est décédé en 2008 à New York (États-Unis). La dernière rétrospective consacrée à son travail, Alain Jacquet, Camouflages et Trames, a eu lieu en 2005 au MAMAC, Musée d’art moderne et contemporain, à Nice.
La galerie George-Philippe et Nathalie Vallois présentera à Paris une exposition, Alain Jacquet, Des Images d’Epinal aux Camouflages (1962-1963), du 7 septembre au 11 octobre 2015.
Jacques Charlier est né en 1939 à Liège (Belgique). Son travail figure actuellement dans les expositions I Belgi Barbari e Poeti, Museo d’Arte Contemporanea di Roma, visible jusqu’au 27 septembre 2015 ainsi que dans l’exposition itinérante, The importance of being, Museo Nacional de Bellas Artes, la Havane ; Museo de Arte Contemporaneo, Buenos-Aires et Museo de Arte Moderna, Rio de Janeiro (3 avril 2015 – 14 février 2016).